La souffrance (au travail) isole


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Notre société promeut et fait l’éloge de la performance.

La performance de nos voitures (de plus en plus puissantes, de plus en plus cool ou de plus en plus écologiques…),

la performance de nos corps (de plus en plus vite, de plus en plus haut, de plus en plus…),

la performance de nos technologies (de plus en plus grands, petits, loin…),

la performance de nos investissements financiers (toujours plus d’argents…),

la performance sexuelle (toujours plus, toujours plus endurant, viagra et tutti quanti…),

la performance, bien évidemment, au travail. Les burn-out sont là pour en témoigner.

 

Les jeunes qui démarrent dans leur vie professionnelle sont « trop jeunes » pour être performants,

les débutants qui viennent d’arriver à leur poste ne sont pas assez performants tout de suite, maintenant,

les seniors de plus de 45 ans ne sont plus assez performants, pas assez malléables, pas assez adaptables…

 

Le diktat de la performance a comme première conséquence que tout le monde ne peut pas être performant de la même manière, pour la même chose, chacun ayant des appétences… Une personne qui a une formation de secrétaire ne peut pas devenir tout d’un coup comptable, un ingénieur ne peut pas devenir un chef étoilé tout de suite…

La reconversion professionnelle (nous y reviendrons dans un autre billet) n’est pas automatique et demande du temps… Ah, ce sacré concept de « temps » dont nous en avons jamais assez, n’est-ce pas ?

 

Dans tout ça, lorsqu’une personne « tombe malade du travail », a un incident de parcours de vie (maladie, divorce, accident (du travail)…), elle doit « lever le pied » et travailler moins.

Si elle est malade quelques jours, c’est supportable, car les collègues peuvent peut-être palier… Ou, la hiérarchie peut demander un remplacement ? (non, de nos jours, tout le monde se serre la ceinture, serre les dents… et attend que ça passe ou que ça trépasse d’ailleurs…)

En revanche, si elle est malade plus longtemps…

 

La société de la performance exige que nous ne soyons jamais malades… 

La souffrance au travail, et nous en avons les certitudes cliniques aujourd’hui, est une souffrance générée par le travail au travail…

Parfois, il suffit de changer de travail pour que cette souffrance disparaisse avec son lot de conséquences psychosomatiques qu’elle traîne derrière elle.

Souvent, cette souffrance inconnue, insoupçonnée par la personne, fait surgir une réaction classique mais néanmoins dévastatrice, celle qui surgit aussi à la perte de l’emploi, la honte.

La honte de ne plus être à la hauteur de la performance « exigée »,

la honte de ne plus être capable de travailler,

la honte de ne plus pouvoir réfléchir,

la honte de plus être utile…

 

Dans les consultations « souffrance et travail », nous défaisons chaque jour cette question de la performance pour l’amener vers d’autres questions, celle de l’appétence, celle de la compétence, celle de la reconnaissance, celle de la renaissance aussi.

 

Je rêve qu’un jour, nous puissions sortir de la société de la Croissance… comme si, nous pouvions indéfiniment grandir… comme si, nous étions immortels…

 


A propos Moto Takashima

Moto Takashima est psychologue du travail, gérant de Métissages et responsable éditorial d'iVa. Dans d'autres langues, ça s'appelle Community Manager. :p