Les biais d’évaluation : est-on réellement objectif lorsque l’on évalue une personne ?


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Lorsque nous évaluons une personne, nous nous faisons automatiquement une représentation d’elle à partir de ce que nous percevons. Nous allons ensuite émettre des jugements uniquement sur cette perception, que celle-ci soit concrète ou non.

Comment se construisent les impressions que nous avons des personnes ? Elles se basent sur plusieurs facteurs et sur plusieurs informations :

–          Nos objectifs,

–          Nos intérêts,

–          Notre rôle dans la société.

Tout cela influence notre manière de traiter l’information. Ces différents éléments affectent la nature et le type des informations que l’on prend en compte pour se forger une opinion sur une personne.

Deux grandes catégories d’informations influencent l’impression qu’on se fait d’une personne :

–          Les données individuelles. On va porter son attention sur les informations qui concernent la personne, ce qui est propre à elle en tant qu’élément unique et non-interchangeable.

–          Les données catégorielles. On s’appuie sur les informations dont on dispose sur la catégorie d’appartenance de la personne. On aura ainsi différentes attentes selon la catégorie d’appartenance de la personne. Ces attentes vont s’appuyer sur les stéréotypes que l’on a. Nous allons par exemple croire qu’un comportement ou un trait apparait plus fréquemment dans un groupe donné (personnes jeunes, âgées, femmes, hommes, français, japonais, etc.).

La formation d’impression est un compromis entre ces deux types de données.

Dans un souci d’économie cognitive, l’élaboration de l’image d’une personne se fait par schématisation. On place cette personne dans des catégories pour nous en faire une représentation cohérente. C’est ce qu’on appelle les théories implicites de la personnalité (TIP)¹. Il s’agit d’un processus cognitif dont le but est de réduire la complexité de la réalité qui nous entoure, pour se l’approprier plus facilement. Grâce à ce processus, nous construisons des repères qui vont structurer et orienter nos actions.

Par exemple, quand on se dit d’une personne qu’elle est sociable, on lui associe immédiatement d’autres traits de personnalités (qui sont selon nous liés à la sociabilité) comme la gentillesse, l’altruisme, l’humour, etc. Nous nous créons donc une impression globale de cette personne, qui est basée sur une seule perception. Inutile de dire que cette impression peut donc être erronée.

Attention, le fait de catégoriser n’est pas négatif, c’est naturel, nous sommes obligés de le faire. Cela se fait de manière automatique et c’est impossible à maîtriser. En revanche, il est important d’en avoir conscience, notamment dans des situations où l’évaluation prend une place importante, comme le recrutement.

Voici par exemple une expérience qui montre que nous n’avons pas toujours conscience de ce qui détermine l’impression que l’on se fait d’une personne. Deux chercheurs en psychologie sociale, Richard Nisbett et Nancy Bellows, ont demandé à différents groupes d’évaluer une candidate à un emploi². Le dossier de cette candidate contient différentes informations, plus ou moins pertinentes : Physique agréable, études brillantes, a renversé sa tasse de café sur le patron. Les chercheurs on ensuite demandé aux participants si oui ou non ils recruteraient la candidate, et sur quels éléments se baseraient cette décision. Les résultats montrent que, sans que les participants en aient eu conscience, l’incident de la tasse de café a réellement influencé leur choix.

Dans le recrutement, comme dans toute situation d’évaluation, il est donc important d’avoir des outils fiables sur lesquels s’appuyer, afin de ne pas s’en remettre à se seules impressions. Dans le cas du recrutement, on peut par exemple citer les assessment centers (centres d’évaluation), qui mettent les candidats à un poste en situation de travail réaliste. Cela permet d’évaluer les compétences et savoir-faire des candidats, afin de savoir de façon plus objective si celui-ci conviendra réellement au poste à pourvoir.

¹ Bruner, J. S., & Tagiuri, R. (1954). The perception of people. HARVARD UNIV CAMBRIDGE MA LAB OF SOCIAL RELATIONS.

² Nisbett, R. E., & Bellows, N. (1977). Verbal reports about causal influences on social judgments: Private access versus public theories. Journal of Personality and Social Psychology35(9), 613.