Les vertus de l’histoire : l’historicisation


Le mardi, c’est théorie !

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Toutes les institutions ont une fondation. Et de cette fondation une histoire.

Quelque soit le professionnel qui y entre en fonction, il est de fait inscrit dans cette trame symbolique commune. Faite de valeurs, d’évènements, de rituels, de règles, etc, cette trame constitue un des arrière-fonds des pratiques et des liens.

Constituant cet arrière-fond, l’histoire est l’objet dans certains lieux de nombreuses polémiques.

Ainsi on peut entendre certains se l’accaparer : « Je connais l’histoire et vous, non. »
Ainsi on peut entendre certains l’émietter : « Cet évènement ne s’est jamais déroulé. »
Ainsi on peut entendre certains partir en croisade avec elle : « Nous allons chasser les pratiques qui ne correspondent pas à l’histoire. »
Toujours en croisade, certains diront : « Ce que tu fais n’est pas accepté par notre histoire. »
Ainsi on peut entendre certains la détruire : « A partir de maintenant, l’histoire ancienne est terminée. »

Parfois cette histoire n’est plus accessible, tant les attaques, les difficultés et les écueils l’ont marqué. Les professionnels se trouvent ainsi dans une actualité angoissante, marquée par une prescription pesante, identifiée à une urgence et une immédiateté de tous les instants. Les pratiques sont lourdes, n’ont plus de sens, sont exsangues de leur vitalité et de leur créativité. On est dans le coping. Dans la répétition, dans le rechauffé sans cesse recongelé.

Perte de vitalité et de sens, et bien oui dans ce marasme des repères.
Perte de motivation, et bien oui ça se comprend si l’individu n’a pas l’impression de s’inscrire dans une histoire par ses actes et sa vie. Comment voudrait-il y laisser une trace ?

En travaillant dessus, on observe très rapidement comme une bouffée d’air qui arrive. Les repères se (re)tissent tout comme le sens. Une trame se partage. Des avis se donnent. Des éclairages s’échangent. Des souvenirs remontent. Des rires éclatent. Des silences de satisfaction s’installent. Le lien tricotte.

Mais constituant cet arrière-fond, l’histoire se voit dotée d’un grand avantage, celui d’être justement un mythe ouvert à la discussion, ouvert à l’interprétation, ouvert au récit. Une invitation au partage, à l’aventure, comme toutes les histoires quoi.

Prenez deux lecteurs d’un même roman, ils n’auront pas lu et vécu les mêmes choses.
Prenez deux ou plusieurs professionnels, et bien c’est pareil. Ils n’auront pas vu, vécu, entendu et senti les mêmes choses. Accompagnez les à échanger sur cela et la discussion sera passionnante.

Travailler sur l’histoire, lui redonner vitalité, laisser s’exprimer les repères qu’elle convoque, partager le sens qu’elle insuffle, lui laisser la possibilité de faire lien, c’est l’historicisation (tout simplement).

Crédits photo : Cabinet des livres ©Béatrice Lécuyer-Bibal

 

Vous pouvez commencer par ici pour cheminer au sujet de cette question.

Gaillard, G. (2002). Pensée et généalogie dans les institutions : entre refus et consentement. PhD thesis, Université Lumière-Lyon 2, Lyon.
Gaillard, G. (2011). Tolérer l’effraction, travailler à inclure. Cliopsy, 5, 7–23.