Comment écouter et accueillir la souffrance au travail ?


Fauteuil

Cet article est surtout destiné aux salariés, aux représentants du personnel, aux professionnels de santé dont le métier n’est pas d’écouter la souffrance psychique des personnes au travail. Il peut sembler complexe mais je vais essayer d’être le moins « jargonnant » possible. Soyez indulgent avec son auteur ! 🙂

Pour le clinicien psychologue du travail expérimenté, écouter et accueillir la souffrance d’une personne au travail est un acte compliqué… Essayer d’en parler et d’expliquer la « mécanique » est une réelle aventure. Alors lorsque cette parole doit être accueillie par un professionnel non formé, il va de soi que la souffrance peut être débordante et emporter sur son chemin les plus aguerris.

Même les médecins du travail, qui sont des professionnels de la santé au travail, ont parfois du mal avec l’accueil de ces descriptions de situations de travail délétères où le mortifère fréquente la barbarie, où la violence flirte avec le passage à l’acte…

Les assistantes sociales du personnel ont aussi les mêmes difficultés avec cette situation inouïe qu’entendre la souffrance psychique d’un être humain dans un lieu (le travail) où elle n’a pas lieu d’être.

Les délégués du personnel ont aussi cette même difficulté d’être dépositaire de cette souffrance à l’état brut.

Les avocats aussi.


A chaque fois, je suis confronté à cette question : « Comment faites vous pour entendre tout ça à longueur de journée ? ».

Je suis tenté de répondre : « Je ne sais pas. »

Après plusieurs centaines d’heures d’écoute, ce qui me heurte le plus l’écoutant, ce sont : le conflit éthique de la souffrance au travail et l’attaque portée au vivant.

Je m’explique.

Normalement, au travail, ces souffrances-là n’ont pas lieu d’être.

Le travail est encadré par des règles (les Lois, le droit du travail, les conventions collectives, le contrat de travail, le règlement intérieur, l’organisation du travail, la fiche de poste, les ordres de mission, les horaires…) qui ne se discutent pas et qui régissent les relations humaines au travail.

Or, il y a souffrance quand ces règles sont bafouées et qu’elles ne contiennent plus les comportements humains déviants. Cela s’appelle la destruction de la Civilisation et l’avènement de hordes sauvages, lorsque la barbarie l’emporte avec son lot de pulsions de destructions et de mort.

C’est sur cette contradiction que notre psychisme d’écoutant est heurté de plein fouet. Qu’est-ce qui fait que dans notre « noble » pays des Droits de l’Homme, la barbarie l’emporte sur la Civilisation ? C’est le conflit éthique.

L’attaque faite au vivant et à toutes ses expressions est la conséquence du tsunami contre la digue civilisatrice. En chacun de nous, sommeillent des pulsions destructrices dont l’existence est inhérente à la condition humaine. L’abandon par la Société de leur contenance libère leurs pouvoirs d’agir.

Dans un autre article, je parlerai de l’attaque du féminin (qui ne se résumera pas à l’attaque faite aux femmes) qui en est aussi une conséquence.

@Moto_Takashima


A propos Moto Takashima

Moto Takashima est psychologue du travail, gérant de Métissages et responsable éditorial d'iVa. Dans d'autres langues, ça s'appelle Community Manager. :p