Emploi, Travail, Métiers… la grande confusion…


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Jacques Attali, l’ancien « conseiller » de Mitterrand, prônait en 2013 la création d’un contrat d’évolution au sein de la Commission de libéra(lisa)tion de la croissance française…

Citons le :

« Ce n’est pas un contrat. Ce qu’il faut, c’est un contrat de travail qui considère que se former est une activité socialement utile méritant salaire. »

Aujourd’hui, le 9 avril 2014, le Pôle Emploi a publié ses dernières études sur les « besoins en manoeuvre « .

Dans la presse, on lit qu’il y a beaucoup de chômage et bizarrement, il y a des secteurs qui n’arrivent pas à trouver des candidats… Elle publie même le « Top 10 des métiers en difficulté de recrutement « .

C’est vrai que c’est « bizarre » qu’il y ait autant de chômeurs et encore plus « bizarre » qu’il y ait des secteurs qui ne trouvent pas de travailleurs prêts à combler tous ces postes.

Or, au fondement même de cet étonnement, il y a plusieurs réflexions à avoir.

La première réflexion est la manipulation.

Dans le « Top ten » cité plus haut apparaît en premier : Ingénieur informatique… Quand nous lisons précisément le document publié par le Pôle Emploi, il est écrit : Ingénieur informatique… 24.636 postes recherchés sur… les 1.700.541 soit : 1,4 % de l’échantillon… euh… le Top du Top 10 ? Quand les « ouvriers » représentent : 287.105, viticulteurs, arboriculteurs… : 104.516… Sachons lire les chiffres… 🙂

La seconde réflexion est la confusion.

Lorsque le travail est assimilé à l’emploi, la question peut paraître simple.

En effet, du jour au lendemain, un chauffeur de taxi peut devenir infirmier, puis s’il est licencié, devenir professionnel de l’animation socioculturelle, puis… Comme si chaque métier pouvait s’exercer sans expérience et sans formation…

Non, il n’est pas possible de confondre travail et emploi. L’emploi est la contractualisation du lien de subordination représentée par le contrat de travail entre un employeur (celui qui emploie) et un salarié (celui qui est employé). Le « travail » du salarié est intimement lié à ce qu’il est, ce qu’il fait, ce qu’il a appris et ce qu’il sait et veut exercer… et surtout à la création de richesse que son travailler permet de réaliser.

La troisième réflexion est la soumission.

C’est vrai qu’être sans emploi est difficile à plusieurs titres. Les psychologues du travail que nous sommes et les cliniciens du travail qui suivons les personnes en difficulté au travail, savons à quel point, exercer un métier est un point central dans l’identité d’une personne.

Avec cette idéologie comme quoi avoir un emploi est, quelque part !, une chance (1), qu’il faut le garder à tout prix en acceptant toutes les conditions – dont les dérives entrainent des souffrances au travail -, le chantage à l’emploi devient et nous pouvons le constater à chaque plan social un levier pour soumettre les salariés.

Pour terminer, il y a une quatrième réflexion qu’est le libre-arbitre.

De quel droit et au nom de quoi, la « société » et ses représentants devrait imposer à un individu d’exercer un emploi pour lequel il n’est pas formé et dont il n’a aucune expérience et de surcroît sans appétence ni envie ?

Tout au long de notre vie scolaire, il y a l’obligation d’étudier pour « faire le métier que tu voudras ». De nombreux jeunes se forment à des métiers pointus dont les débouchés sont plus ou moins bouchés.

N’y a-t-il pas d’une part une réflexion à mener à la fois sur la question de la formation continue et de la formation professionnelle et d’autre part à mener une réflexion sur l’orientation professionnelle et la valorisation des métiers dits « manuels », sans stigmatiser les filières professionnelles ?

(1) Argument largement usité pour soumettre les « fonctionnaires qui ont des emplois à vie » – ce qui est loin d’être vrai (une petite connaissance de la fonction publique permet de comprendre qu’elle « tourne et fonctionne » avec une armée de vacataires (contrats précaires), de contrats aidés et de contractuels (CDD, CDI de droit privé) qu’il est possible de « licencier » et d’utiliser comme variable d’ajustement…)


A propos Moto Takashima

Moto Takashima est psychologue du travail, gérant de Métissages et responsable éditorial d'iVa. Dans d'autres langues, ça s'appelle Community Manager. :p